Avec un nom aussi singulier que Le Crapaud et la Morue, difficile de ne pas être intrigué. Ce groupe de rock français navigue dans des eaux où humour décalé, poésie et explorations sonores se mêlent. Leur dernier projet, le clip de leur titre La Roupette, réalisé à Blois par Gabriel Ariñ Pillot, met en lumière leur identité musicale unique et leur démarche artistique singulière. Mais qui est vraiment Le Crapaud et la Morue ? Retour sur leur histoire, leur style et leurs inspirations.
Les débuts : des surnoms au groupe
L’histoire du groupe remonte à l’époque du lycée, lorsque JB (batterie), Baptiste (basse) et Romain (chant, clavier et guitare) partagent leurs premiers moments autour de la musique. « À l’époque, mes deux amis s’étaient surnommés le crapaud et la morue, et ces surnoms sont restés », raconte JB, qui vit à Blois. Pourtant, avant de devenir un groupe à part entière, chacun suit son propre chemin musical. C’est avec l’arrivée de Jean-Michel à la guitare, quelques années plus tard, que le groupe prend sa forme actuelle. Depuis 2016, Le Crapaud et la Morue réunit JB, Jean-Michel, Baptiste et Romain dans une aventure collective et créative.
Si les membres vivent aujourd’hui dans des régions différentes, cette dispersion n’a jamais freiné leur créativité. « On travaille beaucoup lors de gros week-ends de répétition, souvent en Bretagne », explique JB. Ces sessions intensives permettent au groupe de composer, de réviser leurs morceaux et de peaufiner leurs performances live, dans une dynamique qui privilégie le collectif.
Une musique sans frontières : le « rock français aventureux »
Décrire le style de Le Crapaud et la Morue n’est pas simple. « On aime dire que c’est du rock français aventureux », résume JB, en souriant. Cette appellation reflète à la fois leur base rock et leur volonté d’explorer des genres variés. Chaque morceau est une invitation à un voyage sonore, où se croisent des influences punk, métal, pop et progressives.
Le groupe accorde une grande importance aux textes, écrits en français. « C’est assez rare dans le rock », souligne JB. « Beaucoup de groupes choisissent de chanter en anglais, souvent par facilité. Mais écrire en français est un défi : c’est plus exigeant, et cela demande un vrai travail sur la sonorité et le sens. » Les paroles de Le Crapaud et la Morue sont souvent poétiques, philosophiques, et parfois énigmatiques, laissant à l’auditeur le soin d’interpréter leur signification. « Ce n’est pas toujours évident de comprendre où veut en venir le chanteur au premier abord, mais c’est justement ce qui est intéressant », ajoute JB.
Cette ambition textuelle s’accompagne d’une structure musicale originale. Contrairement à beaucoup de morceaux rock qui reposent sur des schémas répétitifs, les compositions du groupe sont souvent évolutives. « Il y a peu de parties qui se répètent », explique JB. « Chaque morceau suit une progression qui reflète nos inspirations du moment. »
Une démarche collaborative et collective
L’approche du groupe en matière de composition est résolument collective. Chaque membre apporte sa pierre à l’édifice, que ce soit sous forme d’un riff, d’une mélodie ou d’une idée de texte. « Parfois, l’un d’entre nous arrive avec une ébauche de morceau, et on construit dessus ensemble », raconte JB. Les sessions de jam sont également une source d’inspiration majeure, permettant de laisser émerger des idées spontanées et de les intégrer dans des morceaux en cours de création.
Lors de leurs week-ends de répétition, le groupe jongle entre travail sur de nouvelles compositions, enregistrement de maquettes et révision de leurs sets live. « Ces week-ends sont entièrement dédiés à la musique. On est isolés, et cela nous permet de nous concentrer pleinement », explique JB. L’enregistrement rapide de maquettes leur permet également d’expérimenter avec des idées et de les retravailler, que ce soit en groupe ou individuellement.
Des albums aux influences variées
Le parcours discographique de Le Crapaud et la Morue illustre leur évolution et leur diversité musicale. Leur premier album, Franche Camaraderie (2018), pose les bases de leur univers sonore : un rock énergique et textuel, porté par des influences multiples. Leur deuxième album, Que Faire (2020), enregistré juste avant la pandémie de Covid-19, approfondit cette démarche tout en reflétant un travail de studio plus abouti.
Leur dernier projet, l’EP Sur le Ciel (2023), marque une nouvelle étape. Composé de cinq titres, cet EP explore de nouvelles sonorités et met en avant leur volonté de repousser les limites du genre. La Roupette, titre phare de l’EP, illustre parfaitement leur esprit : une musique ambitieuse, mais teintée d’humour décalé. « Le titre, qui vient d’une blague entre nous, ne reflète pas forcément les paroles, mais il montre qu’on ne se prend pas trop au sérieux », explique JB.
Une musique en partage : l’art libre comme philosophie
Dans une démarche résolument tournée vers le partage, Le Crapaud et la Morue propose sa musique en téléchargement gratuit sur Bandcamp, dans le cadre d’une philosophie d’art libre. « Tous nos morceaux sont déclarés en art libre, ce qui signifie que les gens peuvent les utiliser, les remixer ou les transformer à condition de nous créditer », explique JB. Si le téléchargement est gratuit, les auditeurs peuvent également choisir de faire un don pour soutenir le groupe. « Cela nous coûte de l’argent de produire cette musique, donc ceux qui souhaitent nous aider peuvent le faire », ajoute-t-il. Le groupe propose également des formats physiques, comme des vinyles pour leurs deux premiers albums et des CD pour leur EP. Ces produits sont disponibles en ligne ou lors de leurs concerts.
Un clip tourné à Blois
Lorsqu’il s’est agi de choisir un morceau à mettre en image, La Roupette s’est imposé naturellement. « Ce titre avait un potentiel cinématographique évident », confie JB. La chanson, avec ses variations de rythme et son final épique, offrait un terrain fertile pour une narration visuelle riche et dynamique. Pour ce projet ambitieux, le groupe a fait appel à Gabriel Ariñ Pillot, réalisateur et scénariste basé à Blois.
Installé à Blois, Gabriel Ariñ Pillot a une appétence pour les clips. Une forme de travail différente qu’il a connu avec des groupes comme Ultra Vomit, figures majeures de la scène métal française. « Je traite chaque clip comme un court-métrage », explique-t-il. « Si je peux raconter une histoire, je le fais. » Avec La Roupette, il trouve l’opportunité parfaite pour expérimenter avec des cascades, une envie qu’il avait depuis longtemps.
Gabriel fait appel à La Compagnie 85, un collectif de cascadeurs basé à Paris. « Ce sont des jeunes très motivés, formés dans la même école, qui travaillent autant dans le spectacle vivant que dans le cinéma », précise-t-il. Les cascadeurs apportent leur expertise à des scènes impressionnantes, comme une chute de plusieurs mètres depuis la mezzanine de la salle d’escalade Péka bloc, à Blois. En parallèle, Gabriel s’est chargé de la réalisation des effets spéciaux, une discipline qu’il souhaitait revisiter. Initialement, seuls cinq ou six plans truqués étaient prévus, mais l’ambition a rapidement grandi : le clip en compte finalement 25. « On n’a pas su se limiter, mais c’était nécessaire pour raconter l’histoire », explique-t-il.
Blois, un décor cinématographique idéal
Le choix de Blois comme lieu de tournage ne doit rien au hasard. Gabriel, installé dans la ville, est sensible à son potentiel cinématographique. « Blois regorge de petits recoins magnifiques qui créent une ambiance unique », dit-il. Parmi les lieux utilisés figurent le Jardin des Lices, ou encore l’axe Denis-Papin et le pont Jacques-Gabriel, des endroits emblématiques qui se prêtent parfaitement à la narration visuelle du clip.
Le tournage, qui s’est déroulé en août 2024, a mobilisé une équipe enthousiaste et créative. Une demi-journée a été consacrée à la préparation des cascades, un délai serré mais efficacement utilisé grâce à l’implication des cascadeurs et de la comédienne, novice dans cet exercice. Les répétitions se sont prolongées tard dans la nuit, avec une attention particulière portée à la précision des chorégraphies.
Le clip de La Roupette reflète parfaitement l’esprit de Le Crapaud et la Morue : un mélange de sérieux et d’humour décalé. Gabriel décrit cet équilibre : « Ce n’est pas parce que le ton est léger qu’on doit négliger la qualité. » Le clip, désormais disponible sur YouTube (à voir ci dessus).
- Deux concerts à venir à Blois : le vendredi 6 décembre 2024 à Les Temps d’Arts et le samedi 7 décembre au Chato’do dans le cadre de la soirée «All Stars 1994».
- Le lien pour écouter l’EP Sur le Ciel Le Crapaud et la Morue : https://orcd.co/5rr8x9k